A l’écoute des brames de cervidés

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Cet article est extrait de l’article scientifique « Vocalisations et reproduction des Cervidés révèlent leur évolution » 
co-écrit par DAVID REBY (Professeur en éthologie, ENES Bioacoustics Research Lab, CRNL, Université de Saint-Etienne, CNRS, Inserm. Institut universitaire de France, Paris) et HENRI CAP (Docteur en éthologie, chargé des collections de zoologie, Muséum de Toulouse).

Dans le cadre de la nouvelle exposition temporaire « Sex-appeal » du muséum de Toulouse, le visiteur aura la possibilité de découvrir la diversité des vocalisations des Cervidés émises en dehors ou pendant la période de reproduction (rut). Que ce soit au travers des aboiements ou des brames, les caractéristiques de ces vocalisations sont spécifiques à chaque taxon (espèce ou groupe d’espèces) et illustrent la compétition qui se joue entre les mâles pour l’accès aux femelles et surtout la sélection sexuelle opérée par les femelles qui choisissent leur partenaire sexuel.

Diversité des cris ou brames des cervidés pendant la reproduction

Les Cervidés correspondent à une des six familles actuelles de ruminants. Ils représentent 51 espèces qui sont caractérisées par des appendices crâniens caduques, les bois, portés uniquement par les mâles* et par une grande diversité de vocalisations.

*A noter que deux exceptions : l’hydropote dont le mâle est dépourvu de bois et le renne où les deux sexes en possèdent.

Plusieurs catégories de sons peuvent ainsi être distinguées lors de la période de reproduction tels que :

  • l’aboiement, cri multifonction assez répandu dans la famille qui correspond à une vocalisation courte et explosive, typiquement apériodique, qui peut parfois présenter une haute fréquence fondamentale et quelques harmoniques;
  • le reniflement, qui correspond à une violente exhalation ou inhalation à travers les naseaux et qui semble remplir les mêmes fonctions que l’aboiement. Il est uniquement manifesté par les cerfs du nouveau monde tel que le chevreuil de Virginie et par le renne;
  • les grognements, présents chez le renne, le chevreuil de Virginie, l’élan et le chevreuil d’Europe;
  • et enfin les brames spécifiques aux cerfs polygynes eurasiatiques (Cerf élaphe continental et de Corse) et au wapiti.

Dix vocalisations de 10 cervidés

Les exemples donnés ci-dessous sont à retrouver devant le grand cerf présenté dans l’exposition Sex-appeal.

L’aboiement du muntjac indien – Muntiacus muntjak

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Crédit : Prachya – stock.adobe.com

Ce petit cervidé mesure 50cm au garrot. Les mâles possèdent des bois à un seul andouiller et de longues canines supérieures. Parmi les mammifères, c’est l’espèce qui possède le plus petit nombre de chromosomes : six. Il vit en Inde et en Asie du Sud-Est. Il présente deux types de vocalisations, un aboiement stéréotypé et un caquètement émis lors du rut.

Le mugissement du daim – Dama dama

Avec 90cm au garrot, c’est la seule espèce de Cervidé avec l’élan à posséder des bois palmés. Comme le sika du Japon et le Chittal indien, les adultes présentent des taches blanches sur le pelage. Originaire du Proche-orient, il a été introduit par l’humain dans le reste de l’Europe occidentale et ailleurs dans le monde à différents âges. Il présente une seule vocalisation, le mugissement répété en série à très basse fréquence (34 Hz) émis au cours du rut.

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Crédit : Prochym – stock.adobe.com

Le brame du cerf élaphe – Cervus elaphus elaphus

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Ce très grand cerf d’1 m 40 au garrot, 2 m de long et 150 kg en moyenne est originaire d’Europe occidentale, d’Afrique du Nord et d’Asie mineure. Son jeune, le faon, est tacheté, et sa robe adulte unie fauve plus ou moins foncé. Les bois des mâles peuvent présenter une dizaine de cors qui sont les ramifications du merrain central. Le rut a lieu de la fin septembre à la mi-octobre. Il présente deux types de vocalisations, un aboiement de contact unitaire et un brame de 112 Hz constitué de cris répétés terminés par un cri de victoire.

Le brame du cerf de Corse – Cervus elaphus corsicanus

Plus petit que son cousin du continent (1 m au garrot), le cerf de Corse est une sous-espèce du cerf élaphe continental, qui a été réintroduit dans les années 1960 à partir d’individus de Sardaigne. Par rapport au cerf élaphe continental, il ne présente pas de surandouiller (deuxième cor après l’andouiller de massacre) et son brame est émis à très basse fréquence (36 Hz) et répété en cris de victoire.

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Le soufflement du Wapiti – Cervus canadensis

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Avec plus d’1 m 50 au garrot et 2 m 50 de long, il s’agit de la plus grande espèce du genre Cervus, avec le Sambar d’Inde. Le wapiti vit en Amérique du Nord mais on retrouve également des sous espèces présentes en Sibérie, Chine et Corée. Très proche morphologiquement du Cerf élaphe, il s’en distingue fortement de par ses vocalisations et notamment son soufflement unitaire émis à 2500 Hz lors du rut.

Le hurlement du sika du Japon – Cervus nippon

Légèrement plus petit que le daim, avec 75cm au garrot, le cerf Sika vit au Japon, en Sibérie, en Chine et en Corée. Ses vocalisations correspondent aux hurlements (1174 Hz) et aux plaintes (691 Hz) émises à très hautes fréquences à la fin octobre.

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L’aboiement de l’hydropote de Chine – Hydropotes inermis

Ce petit cervidé mesure 50 cm au garrot pour 90 cm de long. C’est la seule espèce de cervidés qui ne possède pas de bois chez les mâles. A la place, ces derniers arborent de très longues canines supérieures (10 cm) qui dépassent de 5 cm de leur bouche et qui leur servent à blesser leurs rivaux lors du rut. Leur pelage couleur sable les dissimule parfaitement dans les hautes herbes qui bordent les quelques fleuves de Chine et de Corée où vit cette espèce, appelée aussi cerf d’eau. Il présente deux types de vocalisations : un sifflement émis par le mâle lorsqu’il approche la femelle au cours du rut et un aboiement stéréotypé territorial.

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Le grognement du Renne – Rangifer tarandus

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Appelé aussi Caribou au Canada, ce grand Cervidé d’1m30 au garrot est la seule espèce qui présente des bois chez les deux sexes, les bois des femelles étant plus petits que ceux des mâles. Les rennes forment naturellement d’immenses troupeaux que l’on retrouve dans la toundra et la taïga des régions arctiques et sub-arctiques de l’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie. Comme tous les Cervidés américains de la tribu des Odocoileini, le renne ne présente pas d’aboiement, mais un reniflement qui intervient en contexte d’alarme, ou après qu’un mâle dominant ait soumis un mâle subordonné ou une femelle. Le renne présente également en période de rut qui a lieu en octobre un grognement (55 Hz) qui varie en fréquence par inhalation et exhalation et qui est adressé à un mâle lors d’une poursuite.

L’aboiement du chevreuil d’Europe – Capreolus capreolus

Petit cervidé de 60 cm au garrot, qui vit en Europe et en Asie mineure. Les mâles appelés brocards possèdent des petits bois à 3 andouillers qui tombent en octobre alors que le cerf élaphe perd ses bois à la fin de l’hiver. La période de rut du chevreuil se situe en juillet, mais ses aboiements répétés en série caractéristique commencent dès la fin février. A l’instar du renne, le chevreuil exprime également un grognement lors des poursuites entre mâles.

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Le grognement de l’élan – Alces alces

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Plus grande espèce actuelle de Cervidé, l’élan mesure plus de 3 m de long pour 2 m 30 au garrot et pèse jusqu’à 800 kg. Appelé aussi orignal au Canada, il vit dans les forêts de la taïga d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie. Les mâles possèdent des bois palmés qui peuvent dépasser 3 m d’envergure et manifeste plusieurs vocalisations comme un aboiement stéréotypé répété en série qui semble se limiter à des situations de stress ou de danger immédiat, et un appel de rut correspondant à un grognement stéréotypé (125 Hz) adressé aux rivaux comme une menace.

Les vocalisations des mâles des dix espèces de cervidés citées et écoutées ci-dessus proviennent de la sonothèque du muséum national d’histoire naturelle de Paris ; où elles ont été déposées suite à la publication de Cap et al. (2008) ; après avoir été enregistrées lors d’études scientifiques. Pour harmoniser l’écoute des 10 sons dans l’exposition, les fichiers ont été montés par Laurent Codoul, Muséum de Toulouse.

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