La pizza est le plat à emporter le plus vendu au monde. Son empreinte culturelle est si importante que « l’art de fabriquer les pizzas à Naples et les pizzaïolos napolitains » sont classés au patrimoine mondial immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2017 ! Instinctivement nous pensons que les Italiens sont les premiers consommateurs de ce plat. Détrompez-vous, les Américains sont en haut du classement, suivi des Français. En moyenne, le consommateur français achète 10 kg de pizza par an, soit environ 25 pizzas (une pizza pèse en moyenne 400 g). Notre passion pour la pizza tient en trois mots : pratique, économique et livrable. Même si nous sommes encore nombreux à la consommer sur place, la pizza livrée à toujours la côte. En effet, 80 % des consommateurs préfèrent profiter de leurs pizzas à domicile. Cette tendance est d’autant plus importante aujourd’hui avec les nombreux services de livraison.

Il était une fois pizza  

Tout commence avec la domestication des céréales, en particulier le blé.

Lorsque nous dégustons une part de pizza, avons-nous conscience de la longue histoire de ses ingrédients ? Explorons ses origines, en commençant par sa base : la pâte.

Le nom commun « blé » regroupe en réalité de nombreuses espèces du genre Triticum, de la famille des graminées. C’est l’ingrédient principal pour fabriquer la pâte à pizza. Avant d’être domestiquée, cette céréale était naturellement présente au Proche-Orient. Entre 8 400 et 7 500 av. J.-C., les débuts de l’agriculture au Croissant Fertile conduit à la mise en culture de plantes sauvages auparavant cueillies dans la nature, notamment l’engrain et l’amidonnier sauvages. Ensuite, vers 7 500 av. J.-C., en Iran, une hybridation naturelle entre l’égilope de Tausch (Aegilops tauschii) et les blés du groupe des amidonniers (Triticum turgidum) a permis l’émergence du blé tendre (Triticum aestivum), rapidement adopté grâce aux migrations humaines.

La domestication des blés a été une étape clé vers la fabrication des premières galettes. En rendant possible la culture céréalière, elle a permis aux humains de transformer les grains en farine, puis en pâte.

Durant l’antiquité, on trouvait déjà des plats à base de galettes confectionnées avec de la farine et de l’eau. Par exemple, à l’époque de Darius Ier le Grand, au VI^e siècle av. J.-C., les soldats perses accompagnaient le pain de fromage et de dattes. En Grèce antique, les citoyens cuisinaient un pain plat appelé plakous (πλακοῦς) qui était aromatisé avec des garnitures comme des herbes, de l’oignon, du fromage et de l’ail.

Ensuite, l’ingrédient incontournable est la tomate, essentielle à la pizza napolitaine.

La tomate trouve ses origines de l’autre côté de l’océan Atlantique, à des milliers de kilomètres de l’Italie. Elle a été domestiquée en Amérique, par les civilisations précolombiennes, 5 000 av. J.-C. Plus précisément, deux hypothèses ont été avancées sur son lieu d’origine, l’une au Mexique la région de domestication la plus probable, et l’autre au Pérou comme le centre de diversité des variétés sauvages. Par sélection des graines, la taille des tomates a été considérablement augmentée.

Plusieurs siècles plus tard, le débarquement sur le nouveau continent en 1492 de Christophe Colomb et de ses conquistadors signe le début d’une phase d’exploration amenant à la découverte de nouvelles espèces animales et végétales.

Lors de la conquête de Tenochtitlan (la future Mexico) par le conquistador Hernán Cortés en 1519, les Espagnols cueillirent quelques pieds de tomate cultivés par les Aztèques pour les ramener en Europe, en 1545. Cet événement marque un tournant dans l’histoire de la pizza.

Au départ, la tomate était une plante ornementale. C’est à Naples, à partir de XVI^e siècle, que l’on a commencé à consommer petit à petit des tomates. L’histoire raconte qu’un pauvre paysan napolitain qui n’avait pas grand-chose à se mettre sous la dent a décidé d’en mettre sur son pain. Il trouva le mélange délicieux et comme il ne présentait pas de signes d’empoisonnement, les familles modestes de Naples commencèrent à garnir de tomates leur pain sec. Cette combinaison de pain à la tomate avec un filet d’huile d’olive, puis cuite au four est ainsi devenue un mets bon marché très apprécié dans la région de Naples. C’est ainsi, qu’au XVII^e siècle en Italie la pizza est devenue le mets populaire que nous connaissons aujourd’hui. La plus ancienne pizzeria référencée à ce jour date de 1830 à Port’Alba, une des portes de Naples.

Enfin le dernier ingrédient emblématique pour parfaire cette pizza napolitaine est la mozzarella di buffala.

Ce fameux fromage au lait entier de bufflonne (la femelle du buffle) qui est protégé par une Appellation d’Origine depuis 1993 (DOP en italien) se caractérise par une pâte très fraîche, moelleuse et fondante en bouche avec un goût lacté très doux typique du lait de bufflonne. Il est exclusivement produit en Campanie (région de Naples). Bien que la mozzarella soit italienne, l’animal dont on extrait le lait est originaire d’Asie. Le buffle domestique ou buffle d’Asie a été domestiqué en Chine et en Inde entre 3 000 à 2 500 av. J.-C. » Mais par quelle voie cet animal fit-il son entrée en Italie ? Une hypothèse avance que ces bovidés auraient remonté le pays depuis la Sicile où ils auraient été conduits par les Arabes au moment des invasions du X^e siècle. Comme la Campanie italienne était durant cette période une province marécageuse, ces bêtes de trait dont les larges sabots ne s’enfoncent pas dans la boue ont vite été adoptées par les paysans du coin.

En résumé, sans la domestication des céréales pour la pâte, ni celle des tomates pour la garniture, et du bufflon pour le fromage, la pizza serait totalement différente aujourd’hui. Ce plat simple en apparence incarne donc un héritage agricole profondément enraciné dans l’histoire de l’humanité.