Propos recueillis par
ISABELLE FOUGÈRE, journaliste, en juillet 2025, dans le cadre de la préparation du dossier de presse et du Mag de l’exposition.
À l’occasion de la nouvelle exposition temporaire du Muséum de Toulouse, Domestique-moi si tu peux !, rencontre avec sa commissaire scientifique Valérie Chansigaud, historienne des sciences et de l’environnement et chercheuse associée au laboratoire “SPHERE” (CNRS et Université Paris Cité). Elle est aussi l’auteure deLa domestication animale chez Delachaux et Niestlé et intervient régulièrement lors de conférences ou émissions sur les relations entre les humains et la nature.
Dans quel contexte avez-vous accepté de devenir commissaire scientifique pour Domestique-moi si tu peux ?
J’étudie depuis longtemps la question de notre relation à la nature et à la notion de sauvage, réel ou fantasmé. Cela comprend la question de la domestication à laquelle j’ai consacré un ouvrage. C’est dans ce contexte que le Muséum de Toulouse m’a fait l’honneur de me proposer ce commissariat scientifique.
Concrètement, quel a été votre apport à l’exposition, dans quels champs êtes-vous intervenue ?
Nous avons travaillé avec les équipes du Muséum et différents spécialistes qui ont apporté leur expertise. J’ai notamment participé aux réflexions sur les spécimens exposés. Sur quels critères les choisir ? J’ai par exemple défendu les spécimens de cochons d’Inde, car ce petit animal familier a une histoire emblématique. Son statut a changé plusieurs fois au fil du temps. Pendant longtemps, il a été considéré comme un animal de boucherie que l’on rôtissait à la broche. A la fin du XIXe siècle, on en a fait un animal de laboratoire, et plus récemment un animal de compagnie.
Faire des choix a parfois été difficile, en raison de la multitude de situations. Certains animaux considérés comme domestiques ne le sont pas totalement, ou même pas du tout. La mouche dite « domestique », par exemple, qui fréquente nos maisons, ne l’est pas. Le chat, lui, est considéré par beaucoup de scientifiques comme non domestiqué parce qu’il est capable de chercher sa nourriture lui-même…Ces deux animaux se trouvent en réalité dans une zone intermédiaire entre la vie sauvage et la vie domestique.
Crédit photo : Marianne Thazet
Comment déterminer scientifiquement qu’une espèce est domestiquée ?
La domestication est une action de sélection. On garde, pour les reproduire, certains individus parce qu’ils ont des caractéristiques, et on en élimine d’autres. Ces individus et leur descendance sont à nouveau soumis à un filtre, pour ne garder que certains individus qui ont encore plus de caractéristiques intéressantes. Ce travail finit par transformer radicalement les espèces. Le chien est le fruit de la domestication du loup gris, mais il a aujourd’hui très peu à voir avec le loup gris. Après domestication, le comportement, la morphologie, la taille du cerveau changent radicalement. Il s’agit d’une transformation délibérée du patrimoine génétique d’une population, pour permettre son élevage. Il ne faut pas la confondre avec l’apprivoisement.
Crédit photo : Leo Itarte
Il y a beaucoup d’idées reçues au sujet des animaux domestiquées.
L’exposition est là pour les déconstruire. Notamment l’idée que les animaux ont parfois choisi d’être domestiqués. La « légende » sur la domestication à la Préhistoire du loup gris qui aurait été attiré dans les villages pour s’occuper des poubelles de nos ancêtres, et, ce faisant, aurait accepté la présence humaine et initié lui-même sa domestication, est un joli conte qui fait de nous des gens sympathiques. En réalité, la domestication est un phénomène brutal. Quand on crée une race de chiens avec un museau écrasé, comme les bulldogs français, on crée des chiens en insuffisance respiratoire, et cela pour des raisons purement esthétiques.
Est-il aujourd’hui possible de corriger ces pratiques ?
Entre l’aquaculture, à partir des années 1950, et le développement des animaux de laboratoire, à partir du début du XXe siècle, sans oublier les élevages industriels d’insectes, on constate une accélération de la domestication. Elle démontre l’intelligence humaine dans sa capacité à détourner la nature à son profit, mais cela devrait aussi lui donner un sens aigu des responsabilités. Aujourd’hui, la puissance des moyens liés aux biotechnologies peut aussi bien nous conduire vers une domestication toujours plus folle que vers des pratiques mieux maîtrisées.
À l’occasion de la nouvelle exposition temporaire du Muséum de Toulouse, Domestique-moi si tu peux !, rencontre avec sa commissaire scientifique Valérie Chansigaud, historienne des sciences et de l’environnement et chercheuse associée au laboratoire “SPHERE” (CNRS et Université Paris Cité).
Il y aura bientôt 30 ans naissait Dolly, la brebis mondialement connue, que des chercheurs écossais, Keith Campbell et Ian Wilmut, avaient obtenue par clonage. Depuis Dolly, les techniques se sont améliorées et le clonage d’autres animaux domestiques est devenu courant. Depuis, tout ou presque n’est qu’une affaire d’argent.