Les plantes aux propriétés aphrodisiaques. Mythes ou réalités ?
Modifié le :

Article rédigé par MARIE NONCLERQ,
chargée de mission au Jardin Botanique Henri-Gaussen de l’Université de Toulouse
Les humains ont cherché, en tout temps et en tout lieu, de quoi raviver le plaisir féminin et prolonger la vigueur masculine.
La clé est peut-être dans le jardin.
Qui n’a jamais entendu parler des effets aphrodisiaques du gingembre ou du chocolat ? Laquelle de ces plantes détient la solution pour que l’amour dure… assez longtemps. Laquelle de ces plantes a, au contraire, moins de pouvoir que ce que la croyance populaire espère ? Laissez vous emporter dans un voyage ethnobotanique en pays érotique en compagnie du Jardin Botanique Henri-Gaussen (JBHG).
Cet article a été rédigé en écho au parcours sonore Les plantes aphrodisiaques (10 plantes). Une expérience à vivre accessible depuis l’app Visite Museum Mobile disponible sur place au JBHG. Pour les personnes éloignées, la série audio peut être aussi écoutée en ligne depuis le compte SoundCloud du Muséum de Toulouse.
Le figuier, l’arbre fruitier aux formes évocatrices

CCO Maud Dahlem, Museum de Toulouse
Le figuier ou Ficus carica étend ses branches et vous présente ses fruits en forme de petite bourse qui vont souvent par paire. C’est tout naturellement que les Anciens y ont vu une évocation des testicules. Mais surprise, lorsque l’on ouvre une figue, il est facile de deviner dans ses chairs rouges… une vulve. Ajoutons que lorsqu’on regarde les fruits par en dessous, l’ostiole a la physionomie… d’un scrotum. Et puis, le latex blanc qui s’écoule parfois de l’arbre et des fruits est pour le moins évocateur. Les langues, enfin, sont éloquentes : le « sykon » grec signifie à la fois figue, vulve et hémorroïdes, tandis que la « fica » italienne, la vulve, est si proche de ficus, le nom latin de la figue.

Wikipedia
Avec une forme et un nom pareil, il n’est pas étonnant de retrouver le figuier, et notamment son bois sculpté, dans le culte de Priape, dieu grec de la fécondité, qui a la particularité de se présenter dans une érection hors du commun et permanente. Et que dire des phallus en bois de figuier dans les processions autour du divin Dionysos. On le connaît sous les traits d’un dieu du vin, mais c’est surtout l’incarnation de l’ivresse et d’un comportement débridé, notamment dans la sexualité.
Le figuier a conservé au fil de l’Histoire, une réputation phallique et des traditions pour favoriser la fécondité. S’il est vrai que le fruit a un pouvoir, c’est celui d’apporter la santé à son consommateur. Il contient des vitamines A, C et surtout B, ainsi que des oligo-éléments et des anti-oxydants. Riche en fibres, et en glucides, la figue n’a pourtant pas d’ingrédient magique pour doper votre fécondité et votre libido. Au mieux, elle peut aider à la régulation des troubles internes pour que seule la sensualité enflamme vos sens.

Crédit : Jardin Botanique Henri-Gaussen, Université de Toulouse
Le cacaoyer pour une jouissance sexuelle ?

CC BY 2,0 Everjean, via Flickr
Notre voyage nous emmène faire une escale gourmande. Le Cacaoyer est la plante la plus connue des gourmands et des amoureux. En broyant les fèves de cacao torréfiées, on obtient la fameuse poudre de cacao, que l’on retrouve sur nos tables sous la forme de tablettes, bonbons, pépites…
À chaque Saint-Valentin, il est au menu, pour assurer une soirée sous le signe de la jouissance gustative et inviter au plaisir. Carl von Linné, le père de la taxonomie moderne, donne au cacaoyer le nom grec de Theobroma cacao, que l’on pourrait traduire par « nourriture des dieux » . Ce nom renvoie aux croyances des sociétés précolombiennes qui voyaient dans cette plante un don du dieu Quetzalcóatl (\kɛ.tsal.ko.at.(œ)l\), le serpent à plumes. Sa divine consœur (grecque) Aphrodite n’a jamais connu le cacaoyer sur les terres méditerranéennes, l’aurait-elle choisi ? L’aurait-elle ajouté à ses ingrédients favoris ? Rien n’est moins sûr.

CCO Maud Dahlem, Museum de Toulouse.
Contrairement à la croyance populaire, rien ne prouve scientifiquement l’effet du chocolat sur la sexualité. En 1631, Colmenero de Ledesma, écrit un ouvrage sur ses bienfaits et notamment ses pouvoirs pour les choses de l’amour. En effet, le cacaoyer et ses cabosses sont crédités d’une multitude de qualités : la pâte de cacao est riche en magnésium, calcium et potassium, la consommation de cacao augmente la production d’éléments psychoactifs (sérotonine, dopamine entre autres). Le chocolat, sous sa forme pure, a donc des effets multiples. Il a des propriétés vasodilatatrices, de tonifiant et parfois même d’antidépresseur. Mais pas de remède magique pour les problèmes physiques des amoureux !

Crédit : Jardin Botanique Henri-Gaussen, Université de Toulouse
La vraie magie du chocolat va plus loin qu’une analyse moléculaire. Pour celui ou celle qui aime le chocolat, la dégustation, pour peu qu’elle soit en bonne compagnie, apporte satisfaction et plaisir. Des plaisirs des sens aux plaisirs de la chair, il n’y a qu’une bouchée…
La roquette, contre l’impuissance ?
Pour une explosion de sensations érotiques, Aphrodite, déesse grecque de la sensualité et de l’amour, vous conseillerait de prendre… quelques feuilles de roquette, aussi nommée Eruca sativa. Bien plus qu’une simple salade, les anciens de l’antiquité gréco-romaine ont vu dans cette plante herbacée un charme stimulant de la Déesse de l’Amour. Et pourtant ce n’est pas dans ses temples que l’auteur Columelle affirme avoir vu de la roquette, mais autour de ceux de Priape, le dieu de la fécondité toujours prêt à passer à l’acte. Cette réputation est confirmée par le médecin grec Oribase qui rapporte que sa consommation est capable de produire du sperme et d’exciter les désirs qu’il qualifie de “vénériens”.
La réputation aphrodisiaque de la roquette traverse le temps et l’espace. Ainsi tout au long de l’époque médiévale, on la retrouve dans des traités de médecine comme celui de Rhazes. Ce savant persan du IXe siècle, donne à la roquette des pouvoirs échauffants, la capacité de provoquer des érections. Mais attention aux effets secondaires des produits miracles, car Rhazes signale aussi le risque de migraine, de vertiges et de problèmes visuels. Beaucoup de pouvoir pour une salade !
Dans l’Encyclopédie de Diderot et D’alembert, les vertus de la roquette incitant à l’amour sont reconnues et affirmées. On retrouve même mention de la plante dans la définition de l’Impuissance. La science moderne n’a pas trouvé d’élément validant cette thèse historique. La roquette a des pouvoirs stimulants, diurétiques, anti-ulcéreux, et parfois même laxatifs. Elle est riche en vitamine C et en antioxydants. Comme beaucoup de plantes, la roquette est bonne pour la santé et sera donc toujours bénéfique pour la santé sexuelle. Reste à savoir si, un bout de salade entre les dents ne risque pas de couper court à l’envie de votre partenaire.

CC BY-SA 4,0 Jardin Botanique Henri-Gaussen de l’Université de Toulouse
Qu’en est-il du piment, du gatillier, de la menthe, de la sariette, du gingembre, du grenadier, de l’orchidée ?

CC BY-SA 4,0 Muséum de Toulouse
Votre curiosité est titillée ? Vous êtes avides d’en savoir plus ? Alors venez découvrir 10 plantes « aphrodisiaques » visibles au Jardin Botanique Henri-Gaussen (piment, gatillier, menthe, sariette, gingembre, grenadier, orchidée). Et si malheureusement, il vous est impossible de venir jusqu’à nous, alors passez vos écouteurs ou allumez vos enceintes pour écouter la série Les plantes aphrodisiaques.

CC by-sa 4,0 David Pageot, Museum de Toulouse
Mythes ou réalité ?
Le désir est un subtil mélange d’ingrédients dont la recette est propre à chacun. Certains peuvent s’émoustiller avec une bouchée de chocolat, quand d’autres ont besoin d’un rituel sensoriel plus élaboré. Et côté mécanique, rien ne remplace la pilule magique bleue. Herboristes et scientifiques semblent s’accorder que les désordres d’ordres sexuels sont liés à un dérèglement, qu’il soit physique (fatigue, inconfort, maladie) ou psychique (stress, blocage, contrariété). Certaines plantes peuvent aider à régler ces problèmes, mais aucune ne semble avoir un effet notable sur la libido.
L’effet aphrodisiaque d’une plante est lié au pouvoir qu’on lui donne. Ici, ce n’est pas vraiment un effet placebo, car certaines des plantes proposées ici, ont un effet sur le corps ou sur l’esprit. Mais ce qui enclenche le désir, est plus subtil et personnel qu’un simple aliment. Le cadre et le contexte jouent aussi beaucoup dans l’effet de l’aphrodisiaque. Un plat au gingembre dégusté en amoureux au restaurant sera toujours plus émoustillant que sur une aire d’autoroute en hiver.
Dans chaque recette, il y a toujours un ingrédient secret qui fait toute la différence. Aphrodite vous a donné des conseils pour vous mettre en condition. Des vitamines, du tonus dans un corps épuré de ses toxiques, l’esprit libre, on est prêt pour une nuit d’amour divine. Et si le vrai cadeau d’Aphrodite était la confiance ?

CC BY-SA 4,0 Museum de Toulouse
Bibliographie
- https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/au-pays-des-aphrodisiaques-2663236
- Herbier érotique, Bertrand Renard, Editions Plume de Carotte
- Les plantes de l’amour. Les aphrodisiaques et leurs usages de l’antiquité à nos jours, de Christian Rätsch (Auteur), Albert Hofmann.
Image d’en tête : Façade du Muséum. Crédit : Muséum de Toulouse