La faune de Guyane conservée au MHNT

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Article par HENRI CAP
Docteur en éthologie, chargé des collections de zoologie, Muséum de Toulouse.

Dans le cadre de l’exposition « Oka Amazonie, une forêt habitée », présentée au Muséum d’avril 2019 à juin 2023, la faune de cette région a été mise à l’honneur, nous renvoyant aux collections de zoologie issues de cette zone géographique de 84 000 km2 qui sont conservées au Muséum de Toulouse (MHNT).

Cette collection guyanaise, provenant de donations disparates plus ou moins anciennes issues de particuliers ou de ménageries, correspond à une centaine de lots de spécimens comprenant quarante-deux vertébrés, une vingtaine de mollusques et soixante boîtes entomologiques contenant un millier de spécimens d’arthropodes, principalement des insectes d’ordres divers.

Arthropodes et Mollusques de Guyane

Parmi les Arthropodes guyanais conservés au MHNT, on retrouve la donation de l’association des étudiants entomologistes de Toulouse correspondant à 56 boîtes entomologiques inventoriées en 2011 qui ne renferment que des spécimens provenant de Guyane, comme le longicorne harlequin, Acrocinus longimanus, aux pattes antérieures plus longues que le corps entier. Autre spécimen remarquable, le célèbre morpho bleu, dont un Morpho menelaus, collecté près de Kourou à la fin des années 1970 et acquis en novembre 2018 par le MHNT dans le cadre d’une cession de Marcelle Carles Eugène.

Les écailles de cette espèce de papillon servaient jusqu’en 1945 à teinter les billets de 1$, une pratique heureusement révolue, qui aurait pu conduire à la disparition de cette espèce. Un autre arthropode remarquable de la région correspond à la Mygale de Leblond, ou araignée goliath, Theraphosa blondi qui se trouve être la plus grande espèce d’araignée connue avec ses 30cm d’envergure. Ce spécimen comme tant d’autres depuis 2006, avait été préparé par Philippe Annoyer, notre collègue et ami entomologiste du Muséum de Toulouse, qui est allé rejoindre ses frères pygmées dans l’au-delà en Octobre 2020.

Morpho menelaus, Collections du muséum de Toulouse
Morpho bleu, Morpho menelaus, collection Guyot, 1999, coll. muséum, MHNT.CUT.2012.0.474.
Crédit : Daniel Martin
Theraphosa blondii, collections Muséum de Toulouse
Mygale de Leblond, Theraphosa blondi, coll. Muséum
CC BY-SA 3.0 Didier Descouens, via Wikimedia

Au niveau des mollusques, les collections de malacologie de Gérard Azaïs et Jean Labouesse, acquis respectivement en 1919 et en 2013, renferment plusieurs spécimens de cette région qui compte 671 espèces décrites, comme notamment Solaropsis undata, qui est une des espèces de gastéropode terrestre les plus communes en Guyane, observées principalement sur les troncs des grands arbres.

Solaropsis undata, Collections muséum de Toulouse
Solaropsis undata, Guyane, coll. muséum, MHNT.CON.2002.761.
Crédit : Farès Ibrahim

Vertébrés guyanais

En ce qui concerne la diversité des vertébrés, la Guyane recèle plus de 550 espèces de poissons, 112 espèces d’amphibiens, près de 200 espèces de mammifères, 170 espèces de tortues, lézards, serpents et crocodiliens et 720 espèces d’oiseaux. Seule une infime partie de cette biodiversité est conservée dans les collections du MHNT, dont on peut lister les espèces les plus remarquables.

Eudocimus ruber, collections muséum de Toulouse
Ibis rouge, Eudocimus ruber, coll. muséum, MHNT.THR.2002.1.
Crédit : Frédéric Ripoll

Reptiles (Sauropsides)

Au niveau des reptiles nous retrouvons une Matamata, Chelus fimbriata, tortue d’eau douce acquis en 1878 en provenance de Cayenne, qui s’est spécialisée dans l’art du camouflage et qui chasse ses proies à l’affût, ainsi qu’une peau de grand Anaconda, Eunectes murinus, deuxième plus grande espèce de serpent, principalement aquatique.

Chelus fimbriata, Collections muséum de Toulouse
Chelus fimbriata, Tortue Matamata, Cayenne (Guyane), Achat Goneau 1878, coll. muséum. MHNT.CHE.1999.32.
CC BY-SA 4.0 Pierre Dalous

Oiseaux

Parmi les oiseaux, outre les aras endémiques à la région ou les amazones au plumage vert caractéristique dont le Muséum possède une vingtaine de spécimens, on retrouve le hocco alector, Crax alector, avec ses plumes bouclées au dessus de la tête, qui est un des plus anciens galliformes connus, vivant uniquement au Nord de l’Amérique du Sud, tout comme l’Ibis rouge, Eudocimus ruber, dont deux spécimens en provenance de Guyane ont été donné en 1902. Un autre oiseau remarquable vivant en Guyane, acquis en 2006, n’est autre que le Hoatzin ou Sassa, Opisthocomus hoazin, qui vit dans les zones marécageuses de la forêt amazonienne où il se nourrit, entre autre, de feuilles de palétuvier faisant de lui l’unique ruminant parmi les oiseaux. Pour grimper en haut des arbres, les jeunes hoazins peuvent s’aider des griffes qui dépassent de leurs ailes, probablement comme le faisait déjà les ancêtres des oiseaux il y a 150 millions d’années.

Mammifères

Parmi les mammifères les plus anciens présents en Guyane, on retrouve l’opossum à oreilles blanches guyanais, Didelphis imperfecta, un marsupial endémique au plateau guyanais, dont un spécimen a été acquis en 1868, ainsi que les mammifères placentaires xénarthres (tatous, paresseux, fourmiliers), dont un tatou à neufs bandes, Dasypus novemcinctus, provenant du Nord du Brésil, qui a été donné par Gaston de Roquemaurel en 1841, et un fourmilier géant, Myrmecophaga tridactyla, ayant vécu à la ménagerie du jardin des plantes de Toulouse jusqu’en 1974. Parmi les rongeurs vivant en Guyane, un spécimen remarquable acquis en 1877 correspond au cabiai ou capybara, Hydrochaerus hydrochaeris, qui avec ses 100 kg, est le plus gros rongeur au monde. Un autre spécimen naturalisé de rongeur guyannais, l’Agouti doré, Dasyprocta leporina, provient aussi de la ménagerie toulousaine, à l’instar d’autres mammifères pensionnaires des lieux entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, parmi lesquels on retrouve des primates tel qu’un singe araignée, Ateles paniscus, ou des carnivores comme l’oncille ou chat tigre, Leopardus tigrinus. Cette dernière espèce est également présente dans nos collections sous la forme d’une peau provenant de Cayenne, qui a été acquis en 2011 suite à une donation. Si la provenance de cette peau était confirmée, elle constituerait la seule peau connue de chat tigre provenant de Guyane conservées en Europe, avec celle conservée au muséum de Londres.


Références et notes

· Catzeflis F. 2010. Liste des Mammifères de Guyane française. Arvicola 19: 39-44.
· Catzeflis F. 2015. Liste des mammifères de Guyane, Pp. 226-239 in Nature guyanaise: 50 ans de progrès et de souvenirs (L. Sanite, ed.). Editions Orphie, Saint-Denis (La Réunion).
· Gargominy O. 2003. Biodiversité et conservation dans les collections françaises d’outre-mer. Collection planète nature. Comité français pour l’UICN.
· Lescure J., et Marty C. 2001. Atlas des amphibiens de Guyane. Muséum National d’Histoire Naturelle Collection Patrimoines Naturels, Vol. 45, Paris.
· Lynch Alfaro J. W., Silva Jr, S. J. et Rylands A. B. 2012. How Different Are Robust and Gracile Capuchin Monkeys? An Argument for the Use of Sapajus and Cebus. American Journal of Primatology 74: 273-286.
· Massemin D., Lamy D., Pointier J. P. et Gargominy O. 2009. Coquillages et escargots de Guyane. Biotope, Collection Parthénope, Mèze.
· Thomas B.T. 1996. Opisthocomiformes. Handbook of the Birds of the World, vol. 3. Lynx edicions, Barcelona.
· Wilson D.E. et Mittermeier R.A. eds. 2009. Handbook of the Mammals of the World. Vol. 1. Carnivores. Lynx edicions, Barcelona.


Photo d’en-tête : Amazone à front bleu, Amazona aestiva, Guyane, coll. muséum, MHNT.ZOP.33, photo : Daniel Martin