La conservation des collections en fluide
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Article par MARIE-FRANÇOISE CARILLO
Préparatrice sdv-sdt, Muséum de Toulouse.
Malgré leur dimension modeste avec plus de 600 taxons inventoriés, les collections de spécimens conservés en milieu liquide du muséum de Toulouse, revêtent un intérêt scientifique et historique indéniable, lié notamment à la présence d’un certain nombre de spécimens rares. Le matériel récolté localement permet d’affiner les connaissances de la répartition passée et actuelle des poissons, reptiles et amphibiens en Occitanie. Le matériel exotique présente d’autre part des espèces devenues rares aujourd’hui, voire disparues.
Les collections du muséum
En terme de préparation, deux types de liquide conservateur ont été principalement utilisés suivant la nature des collections : l’alcool à 80° pour les reptiles et les poissons, et le formol pour les amphibiens. Certaines étiquettes datant du début du XIXe siècle témoignent de leur passé, mais des collections plus récentes ont été acquises jusqu’à la fin du siècle dernier. Dans tous les cas, la plupart des collecteurs (Léon de Poumayrac, Herman Baars, Charles Marquet, René Jeannel, René Bourret ou Narcisse Giani) sont des personnalités scientifiques reconnues.
Avant la restructuration du muséum (1998-2008), la plupart de ces collections n’était pas exposée, mais stockée dans un placard. Les moyens de l’époque ne permettaient pas un suivi permanent et ces collections ont cessé progressivement d’être entretenues pendant des décennies. Les bouchons en liège utilisés ont ainsi favorisé l’évaporation des différents liquides de conservation.
En 2001, à l’occasion de la rénovation de l’établissement, ces collections ont été transférées dans de nouvelles réserves, local sécurisé et ventilé adapté aux produits inflammables et toxiques.
La mise en place du chantier des collections
Ce n’est qu’après la réouverture du muséum en 2008, que le chantier concernant ces objets a débuté, bien qu’un travail spécifique sur la préparation d’une cinquantaine de spécimens en fluide a été réalisé entre 2004 et 2006.
Afin d’améliorer nos compétences, des formations ont été suivies à l’Institut National du Patrimoine (INP) dont l’intervenant, M. Simon Moore, est un restaurateur reconnu internationalement. Simultanément, nous nous sommes impliqués dans la recherche avec le Centre de Recherche de Conservation des Collections (CRCC). Ces différentes actions ont permis la mise en place d’un protocole de restauration-conservation de ces collections. La première phase indispensable consiste à établir un constat général en fonction de l’état de conservation des collections. Trois grands lots ont été constitués.
Le premier représente les spécimens n’ayant pas subi de dégradation et dont le liquide n’a que peu évolué. On retrouve dans le second les flacons de spécimens partiellement immergés présentant pour certains des dégradations liées à l’évaporation du liquide. Le dernier, est constitué de flûtes contenant les échantillons très altérés, déshydratés dont la restauration ne semble pas toujours pertinente. La priorité s’est portée sur le second lot.
Pour chaque pièce (flacon contenant des spécimens), un constat d’état détaillé et documenté est réalisé. Afin de respecter l’intégrité de ces objets, il est nécessaire d’entretenir la verrerie spécifique, le ou les spécimens contenus, les étiquettes et de restituer la nature du liquide de conservation employé à l’époque (éthanol 80°, formol entre 4 et 5%).
Le mode d’intervention
L’opération consiste à appliquer une fine couche de Paraloïd (résine acrylique transparente) dilué à de l’acétone sur chaque étiquette pour les protéger lors du nettoyage du flacon. Ensuite on procède à l’ouverture de la flûte par l’extraction du bouchon en liège. La dangerosité de ces collections implique que toutes ces opérations doivent être réalisées sous une hotte aspirante. L’intervenant doit être muni d’EPI (équipement de protection individuelle) tels que des masques à cartouches et des gants adaptés. L’identification du liquide d’origine se fait à l’aide de tampons (réactif de Schiff).
Un remplacement à l’identique est réalisé.
Ayant décidé de ne pas modifier le liquide d’origine, les échantillons qui à l’époque n’ont pas été fixés au formol (10%) sont conservés tels quels. Toutefois, un suivi sanitaire permet de contrôler l’évolution de leur état après intervention.
Les bouchons en liège sont remplacés par des disques en verre, celés par du silicone et de la paraffine. Ces disques sont percés au préalable de façon à pouvoir compléter le niveau de liquide conservateur sans rouvrir la fiole. Une étiquette discrète informant de la nature chimique du fluide est apposé sur la flûte.
La mise en place de ce chantier, l’expérience acquise, les résultats obtenus ont conduit le muséum à accueillir de nouvelles collections d’un grand intérêt scientifique. D’où la nécessité d’un réaménagement des réserves afin d’optimiser le rangement, la sécurité et la consultation des objets.
Photo d’en tête : Extrait du journal du laboratoire de Philippe Lacomme, 10 au 12 mars 1919 – coll. muséum, cote A.06.10.46