Zombies dans le monde du vivant

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Article écrit par ABDEL AOUACHERIA1,2(abdel.aouacheria@umontpellier.fr) et SOPHIE CHARRASSE1 (sophie.charrasse@umontpellier.fr
1Equipe Evolution, Vecteurs, Adaptations, Symbioses (EVAS), Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM), UMR5554 CNRS / Université de Montpellier. Place Eugène Bataillon 34095 Montpellier, France.
2Réseau Reliance en complexité, Chaire de la Fondation de l’Université de Montpellier rattachée à la Chaire UNESCO d’Edgar Morin sur la pensée complexe, Université de Montpellier, Place Eugène Bataillon, 34095 Montpellier, France.

Les zombies fictifs que l’on connaît ne cacheraient-ils pas de « vrais » zombies, tapis dans leur ombre ? La notion de mort-vivant est-elle seulement métaphorique ? Cet article propose d’explorer les concepts de zombie et de zombification à travers les échelles du vivant : de l’ADN aux organismes entiers, en passant par les cellules, des plantes aux animaux (humain compris), nul ne semble épargné !

Introduction

Personne ne peut contester le fait que les zombies sont aujourd’hui devenus des phénomènes de sociétés, des produits trans-médiatiques, qui ont envahi le grand écran (l’anthologie de Jamie Russell Book of the Dead recense plus de 300 films), le petit écran (avec des séries-cultes telles que The Walking Dead ou Black Summer) ainsi que le reste de la sphère culturelle, de la bande-dessinée (Zombies) aux jeux vidéos (Resident Evil) en passant par la musique (on se souvient du clip Thriller de Michael Jackson). Parallèlement, la figure du zombie s’est mise à traverser toutes les branches du savoir, se muant en un trope trans-disciplinaire retrouvé à la fois dans les sciences humaines, l’économie, la géographie, la philosophie et, comme on pouvait s’y attendre, les sciences naturelles et médicales. Au sein de toutes ces disciplines, le concept de zombie fait le plus souvent référence à deux imaginaires bien distincts : d’une part celui de la culture vaudou, où des revenants sont transformés en esclaves par le pouvoir et les potions magiques du sorcier bokor avant d’être envoyés, tels des pantins dépourvus de volonté, vers les plantations ; d’autre part celui du néozombie (qui a vu le jour en 1968 avec le film La Nuit des morts-vivants du réalisateur George Roméro et qui a ensuite connu son âge d’or après la chute des tours jumelles en 2001), mort-vivant en décomposition partielle, catatonique, sanguinolent, dénué de conscience, ne s’animant que pour se repaître de la chair fraîche d’humains craignant en permanence d’être contaminés (par contact ou morsure, sur le mode de l’infection par un virus). Ces deux acceptions du mot zombie vont s’étendre sur plusieurs niveaux d’organisation et de réalité phénoménale, que nous avons choisi d’appréhender ici sous la forme de sauts d’échelles, du petit vers le grand et du fonctionnel vers le pathologique (et le symbolique). Plutôt que de fournir une revue exhaustive, chaque barreau d’échelle fournira l’occasion de détailler un nombre limité d’exemples de zombification, à même d’éclairer l’intérêt et la consistance disciplinaire de la métaphore zombie en biosciences et en biomédecine.

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I Walked With a Zombie
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1 Gènes zombies

Le premier niveau d’opérabilité que nous distinguerons pour le processus de zombification est infra-cellulaire et concernera les éléments et structures qui se trouvent à une échelle plus petite que celle de la cellule (considérée comme l’unité de base du vivant).

1.1 Thanatologie moléculaire

On trouve dans cette catégorie la notion de « gène zombie », une expression employée dans la série The Walking Dead pour tenter d’expliquer la contagiosité des morts-vivants, censée reposer sur l’activation d’un virus. Un mystérieux gène viral serait responsable de la métamorphose en zombie, c’est-à-dire en une créature fictionnelle. Mais l’expression de « gènes zombies » peut aussi se référer à des gènes pouvant réellement s’exprimer, parfois à des taux très élevés, dans des cellules après la mort d’un organisme. C’est le champ de la thanatologie moléculaire et cellulaire (une science de la mort, par opposition à la bio-logie, science de la vie).

Un corpus d’études a été réalisé chez l’animal, avec pour objectif d’élucider les mécanismes impliqués dans la dégénérescence des systèmes hautement organisés et intégrés que sont les organismes vivants. Les profils d’expression de plus de 1000 gènes ont ainsi pu être analysés après le sacrifice de poissons-zèbres entiers et dans des cerveaux et des foies de souris euthanasiées1. Dans les deux espèces, les résultats ont montré des variations significatives dans l’abondance de plusieurs dizaines de transcrits de gènes (impliqués dans l’inflammation, la réponse au stress, la mort cellulaire par apoptose, ainsi que le développement et le cancer).

Qu’en est-il pour l’humain ? Là encore, des études sont disponibles, certaines relevant du champ de la médecine légale, d’autres visant à mieux préserver les organes en vue d’une transplantation, d’autres enfin étant simplement motivées par la curiosité intellectuelle. Dans une publication parue en 20212, une équipe de recherche américaine rapporte avoir comparé les taux d’expression génique dans des échantillons de cerveau humain fraîchement collectés (provenant de patients souffrant d’épilepsie, opérés vivants) par rapport à du tissu cérébral prélevé post-mortem (sur des individus décédés mais qui ne souffraient a priori d’aucune pathologie neurologique). Des changements notables dans la transcription de certains gènes ont pu être mesurés entre les deux types d’échantillons de cerveaux, et au fil du temps lorsque les chercheurs ont laissé dégénérer les tissus cérébraux. Fait intéressant : alors que les neurones se sont mis à exprimer post-mortem de moins en moins de gènes, l’expression génique a au contraire augmenté dans d’autres cellules du système nerveux central, les cellules gliales (en particulier les astrocytes et celles de la microglie), qui représentent environ la moitié du volume cérébral. Les auteurs de l’étude ont interprété ce résultat à la lueur du rôle physiopathologique joué par les cellules gliales dans l’inflammation, consistant à nettoyer les dégâts dans l’environnement neuronal après des lésions due à une ischémie (privation d’oxygène) ou un accident vasculaire cérébral (AVC). Ces cellules gliales ne seraient pas détruites immédiatement après le décès de l’organisme et seraient même activées, dans une sorte de chant du cygne destiné à sauver (en vain évidemment) ce qui pourrait encore l’être.

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Souslik à 13 bandes ou Spermophile rayé
Auteur : Bettina Arrigoni CC BY 2.0

On peut arguer que ces « cellules zombies » ne seraient pas autre chose que des cellules encore vivantes dans du cerveau (de) mort, engagées dans une réponse cellulaire au stress causé par le trépas. Une étude canadienne est venue apporter de l’eau au moulin de cette hypothèse en démontrant que, chez le souslik à treize bandes (un rongeur présent en Amérique du Nord), les gènes dont l’expression est associée à l’hibernation étaient différents des gènes zombies exprimés post-mortem3. Les variations géniques associées à une forme temporaire de suspension de l’activité biologique, le comportement saisonnier de l’hibernation, semblent donc spécifiques et bien distinctes de celles liées à la mort irréversible.

1.2 Pseudogènes

A l’échelle infra-cellulaire toujours, on trouve les pseudogènes, des gènes assimilables à des « cadavres génomiques ». Un pseudogène est la relique d’un gène devenu non-fonctionnel du fait de mutations lui ayant fait perdre son aptitude à s’exprimer sous la forme d’un ARN messager ou à coder une protéine. On a longtemps pensé que ces pseudogènes formaient une masse inerte de fossiles génétiques abandonnés par l’évolution, partis rejoindre le cimetière de « l’ADN poubelle » (junk DNA en anglais), cette part majoritaire de l’ADN qui ne contient apparemment aucune information utile à la multiplication cellulaire ou à la transmission du génome d’un individu à sa descendance. Or, le dogme de la non-fonctionnalité des pseudogènes a été largement remis en question au fil des ans par la découverte que nombre d’entre eux pouvaient exercer des fonctions dans les cellules. Plutôt que d’être simplement des gènes « morts », certains pseudogènes seraient donc en réalité des éléments génétiques zombies, dans le sens de « morts-vivants ». C’est le cas par exemple du pseudogène Makorin-1-p1, découvert initialement chez la souris4 et dont le transcrit régule la stabilité des ARNs de sa propre copie active, le gène Makorin-1 (dont il est issu par duplication et auquel il ressemble beaucoup). Il a été montré que les transcrits du pseudogène se comportaient comme des éponges moléculaires piégeant les agents de dégradation de l’ARN Makorin-1. Parce que les transcrits du pseudogène Makorin-1-p1 sont pris pour cible en même temps que ceux du gène Makorin-1, du fait de leur ressemblance, ces derniers sont d’autant plus épargnés que le pseudogène s’exprime. Cet exemple montre comment un pseudogène peut agir dans les cellules vivantes en modulant le niveau d’expression de son gène parental. Outre Makorin-1-p1, d’autres pseudogènes agissant comme des leurres ont également été caractérisés. On s’est rendu compte que plusieurs d’entre eux étaient des régulateurs importants au cours du développement et qu’ils pouvaient même être impliqués dans des pathologies (comme la β-thalassémie5 ou le cancer6).

Nous venons de voir que des pseudogènes pouvaient influer sur des processus se déroulant du vivant des cellules, mais sait-on si certains de ces cadavres génétiques ont pu par la suite être retransformés en gènes actifs, revenir à la vie en quelque sorte ? De manière assez remarquable, la littérature scientifique fait état d’au moins un cas de « résurrection » de pseudogène, se rapportant au gène LIF6 dans le lignage des Proboscidiens (qui a conduit aux éléphants actuels)7. Selon les auteurs à l’origine de cette découverte, la séquence nucléique LIF6 (qui correspond à un gène codant présent chez de nombreux mammifères) aurait d’abord fait partie d’un groupe de pseudogènes avant d’être retransformé en gène actif chez nos cousins à trompe. La réapparition d’un gène LIF6 fonctionnel aurait été concomitante du gain de corpulence observé dans cet ordre de mammifères. Pour distinguer la situation du LIF6 (pseudogène « ressuscité ») de celle des pseudogènes actifs au plan transcriptionnel, on peut forger un néologisme en lui attribuant l’appellation de gène « lazaréen » (d’après le mythe de la résurrection de Lazare, un miracle de Jésus rapporté dans l’Evangile de Jean).

2 Cellules zombies

Le niveau d’opérabilité suivant est cellulaire et correspond à celui des « cellules zombies ». On en distingue là encore plusieurs types.

2.1 Sénescence cellulaire

Le terme de zombie vient d’abord désigner une catégorie de cellules dites sénescentes (découvertes il y a plus d’un demi-siècle), qui correspondent à des cellules vieillissantes, qui ne se divisent plus ou presque, et dont la fonctionnalité et les constituants se sont détériorés. Arrivées au bout de leur cycle de vie, les cellules sénescentes sont normalement évacuées des tissus et éliminées de l’organisme après avoir été reconnues par le système immunitaire, ce qui évite notamment la survenue de cancers. Néanmoins, une proportion d’entre elles peuvent continuer à survivre, libérant un cocktail de molécules pro-inflammatoires dont l’activité est généralement jugé néfaste car associé à la progression tumorale ou à des pathologies dégénératives (comme l’arthrite, l’athérosclérose ou la maladie d’Alzheimer). Ce sont ces cellules ni complètement vivantes (parce qu’elles ne prolifèrent plus et présentent souvent des aberrations, comme une taille démesurée) ni complètement mortes (puisqu’elles demeurent métaboliquement actives et continuent d’occuper une place dans les tissus) qui ont été qualifiées de « cellules zombies ». Un faisceau convergent de données a d’abord suggéré que leur élimination des tissus permettrait de contrecarrer les effets de l’âge8, conduisant à un engouement pour le développement de sénolytiques (des substances capables d’éliminer sélectivement les cellules sénescentes de l‘organisme)9. En 2017, la prestigieuse revue Nature allait même jusqu’à publier un éditorial au titre évocateur : « To stay young, kill zombie cells » (que l’on peut traduire par : « pour rester jeunes, tuons les cellules zombies »10. Néanmoins, les travaux les plus récents incitent à davantage de mesure. En effet, de nouvelles données11 laissent penser que ces cellules zombies pourraient, dans les tissus à fonction barrière (comme l’épithélium cutané, intestinal ou pulmonaire, qui séparent l’organisme du monde extérieur), jouer un rôle de sentinelles détectant les dommages et favorisant la réparation tissulaire, en activant les cellules souches. Finalement, ces cellules zombies pourraient bien être indispensables à la vitalité des tissus, dans une sorte d’oxymore vengeur !

2.2 Mort cellulaire

D’autres publications font un usage de l’expression « cellules zombies », mais pour se référer à un phénomène complètement différent. L’expression a été appliquée dans le cadre de l’infection par des pathogènes, qui conduit parfois à de telles aberrations dans les cellules que leur survie a pu être questionnée. C’est par exemple le cas dans la peau lorsque des kératinocytes (les cellules majoritaires dans l’épiderme) sont infectés par le champignon Aspergillus sydowii12, responsable de mycoses du pied chez l’humain, ou dans le poumon quand un type particulier de cellules immunitaires, les macrophages, se met à accumuler des éléments exogènes provenant de Mycobacterium tuberculosis, la bactérie causant la tuberculose13,14. A chaque fois, les cellules infectées, au lieu de mourir et disparaître, se retrouvent bloquées au milieu de leur processus de mort : elle se transforment alors en réceptacles pour le pathogène (ou ses constituants), lui permettant de se maintenir et de contaminer d’autres cellules. Il est intéressant d’observer que la cellule morte-vivante devient non seulement l’esclave du champignon, ce qui est en phase avec l’imaginaire vaudou, mais qu’elle représente également une entité composite contagieuse, à l’image de la figure du néozombie.

En guise de variation sur le même thème, on peut aussi citer le cas de cellules poussées à se suicider (par apoptose) avant d’être bloquées, de façon expérimentale, à une étape de la cascade de réactions biochimiques aboutissant à la mort cellulaire.

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Aspergillus sydowii
Auteur : Paul Cannon CC BY-NC 4.0

Contrairement à l’infection, il y a cette fois-ci une intention délibérée (de la part de l’expérimentateur) d’empêcher le déroulement complet du processus de mort cellulaire. L’objectif peut être atteint en inhibant le site actif des « guillotines moléculaires » de la famille des caspases, des enzymes qui découpent les protéines cellulaires en petits fragments au cours de l’apoptose. Les cellules ne peuvent alors plus aller jusqu’au bout du processus apoptotique mais ne peuvent pas non plus être considérées comme des cellules vivantes tout à fait normales, ce qui explique qu’elles aient parfois été affublées du sobriquet de cellules « non-mortes » (undead cells en anglais)15,16. Pour clore sur une note ironique, on mentionnera une recherche, réalisée par un consortium espagnol17, dans laquelle des cellules tumorales de poumon humain ont été maintenues artificiellement en (sur)vie à l’aide d’un cocktail de drogues (contenant notamment du co-enzyme Q10, un antioxydant). Ces cellules « sous perfusion » ont pu résister jusqu’à trois jours à l’empoisonnement par un composé hautement toxique, la camptothécine, un alcaloïde isolé à partir d’un arbre originaire de Chine, Camptotheca acuminata, surnommé…l’Arbre de vie.

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Cellule en apoptose
Auteur : crafty_dame CC BY-NC-ND 2.0

3 Organes zombies

Passons maintenant à l’échelle multicellulaire des organes (pour rappel, un tissu est un assemblage de cellules ayant une fonction commune, et l’organe un ensemble de tissus destiné à remplir une fonction spécifique).

En 2019, une équipe de recherche américaine défrayait la chronique en annonçant avoir partiellement restauré le fonctionnement de cerveaux de cochons décapités18. Les auteurs de l’article ont d’abord travaillé à la mise au point d’un système de perfusion en circuit fermé, directement connecté aux vaisseaux sanguins (artères, veines) irriguant les cerveaux porcins, et capable d’injecter à l’intérieur une solution acellulaire d’hémoglobine bovine comprenant uniquement des sucres, un cocktail de molécules protectrices et un antibiotique. Autre nouveauté : contrairement à des études antérieures réalisées sur des singes ou des rongeurs, les cerveaux décapités n’ont pas été refroidis (pour freiner leur dégradation) mais maintenus à 37°C tout au long de l’expérience. Grâce à cette technologie baptisée BEx (dont l’acronyme long est BrainEx, pour « cerveau ex vivo »), des cerveaux de cochons exposés pendant 4h à une privation d’oxygène avant d’être « branchés » pendant 6h ont pu être en partie protégés des conséquences délétères de l’anoxie. Outre une restauration des réponses inflammatoires et de la microcirculation sanguine, l’observation la plus spectaculaire a été la remise en route de l’activité neurophysiologique, attestée par la détection de synapses actives et la résurgence d’une activité métabolique. Cette étude a fourni la première démonstration que des cerveaux pouvaient être biologiquement actifs hors du corps d’un animal. De manière inquiétante, l’un des coauteurs aurait déclaré à la presse que les porcs avaient effectué de puissants mouvements avec leur tête et leur cou pendant l’expérience. Bien qu’aucune activité électrique n’ait été enregistrée dans les cerveaux perfusés (qui n’étaient donc pas « conscients »), d’autres données documentent le fait que le cerveau (y compris chez l’humain) serait toujours actif plusieurs heures après un arrêt cardiaque19,20. Ces recherches, conduites dans l’espoir de limiter les séquelles chez des patients faisant un arrêt cardiaque ou un AVC, ne sont pas sans poser de sérieuses questions éthiques, notamment en termes de définition des critères d’irréversibilité de la mort, du timing des dons d’organes ou encore de souffrance animale.

4 Organismes zombifiés

A l’échelle de l’organisme, les exemples de manipulation parasitaire sont nombreux et suivent tous plus ou moins le même schéma : un organisme-hôte est asservi par un parasite qui altère son comportement, sa physiologie et/ou sa morphologie, dans le but d’accroitre sa transmission et de se multiplier, l’organisme parasité finissant généralement par mourir. On parle de « manipulation parasitaire » ou de « parasitisme manipulateur », même s’il est évident que le parasitoïde ne « décide » en rien de manipuler son hôte : ce phénomène a été sélectionné au cours de l’évolution.

Comme une littérature abondante a été consacrée aux organismes parasités présentant des caractères zombie, nous avons fait le choix de ne détailler ici que trois exemples, le premier pris dans le règne végétal et les deux suivants dans le règne animal. Ces exemples ne sont que le grand iceberg des relations impliquant des parasites manipulateurs, dont les cas les plus emblématiques ont été recensés au niveau du Tableau 1. Parfois, le cycle comporte deux hôtes : un intermédiaire (qui héberge le parasite pour un stade végétatif) et un définitif (qui verra émerger la forme adulte du parasite).

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Beauveria locustiphila
Auteur : Alan Rockefeller CC BY 4.0
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Cordyceps locustiphila
Auteur : Susanne Sourell (Suse) CC BY-SA 3.0

4.1 Les balais de sorcières

Les phytoplasmes sont de petites bactéries sans paroi cellulaire qui infectent de nombreuses plantes. Ces parasites vivent confinés dans le phloème des végétaux infectés, ou dans le tractus digestif et les glandes salivaires des insectes vecteurs (des piqueurs-suceurs de sève, comme les cicadelles) qui leur servent à se propager d’un plant à un autre. Au lieu de développer des fleurs (qui sont des organes reproducteurs), les plantes-hôtes infectées fabriquent des amas de feuilles stériles, à l’origine de la maladie dite du « balai de sorcière ». En botanique, cette transformation des organes floraux en feuilles s’appelle la phyllodie. Les fleurs peuvent aussi verdir, on parle alors de virescence florale. Grimés de la sorte, les végétaux produisent une sève plus abondante et plus riche, ce qui attire davantage d’insectes vecteurs, avec pour conséquence d’augmenter la transmission de la bactérie parasite. Les plantes atteintes survivent mais deviennent incapables de se reproduire, à la différence du parasite qui les exploitent à son profit, une situation qui convoque à la fois l’aspect « vaudou » et l’aspect « mort-vivant » de la zombification. Le facteur de virulence responsable de la transformation en « plantes zombies » a été identifié : il s’agit de la protéine Sap5421. Fait surprenant : même si la plante parasitée se porte bien, la présence de cette protéine bactérienne suffit à elle seule à attirer les insectes vecteurs22.

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Balai de sorcières sur un Pin
Auteur : Marc Carpentier

4.2 Les fourmis marionnettes

Dans le jeu vidéo The Last of Us, sorti en 2013, une infection dévaste l’humanité, transformant les humpement. Le parasite pousse en effet les fourmis à grimper le long de la tige d’une plante ou sur une branche, jusqu’au niveau exact de hauteur (ce qui conditionne aussi la luminosité), de chaleur et d’humidité dont le champignon a besoin pour pousser. Une fois arrivées à bon port, les fourmis fichent leurs mandibules sur une brindille ou sous une feuille, pour y mourir. Après environ trois semaines de croissance, le champignon achève la fourmi en lui dévorant le cerveau, puis fructifie au travers de sa cuticule, libérant des capsules remplies de spores qui explosent au cours de leur descente. Le fait que la décomposition du cadavre se passe en un lieu élevé favorise leur dispersion (par l’action de la gravité et du vent). Les spores atterrissent sur la cuticule d’autres fourmis et le cycle peut recommencer. Les Ophiocordyceps peuvent libérer une quantité impressionnante de spores (jusqu’à 40 000 par seconde) qui, lorsqu’elles atterrissent à un endroit propice et que les conditions sont favorables, geains en monstrueux mutants. Le scénario désigne le champignon parasite « Cordyceps » comme étant l’agent pathogène responsable de la pandémie. A juste titre car les créateurs du jeu se sont précisément inspiré des champignons du genre Ophiocordyceps, connus pour infecter essentiellement des insectes (on parle de champignons entomopathogènes, du grec entoma signifiant insecte). Au lieu de se nourrir de matière morte, ces ascomycètes colonisent le corps de proies vivantes, avant de les zombifier. Parmi leurs victimes, on trouve par exemple les fourmis-balles d’Amérique du Sud (Paraponera clavata), nommées ainsi en référence à leur morsure extrêmement douloureuse, et des fourmis du genre Camponotus23–26. Après que des spores du champignon (de l’espèce Ophiocordyceps unilaterialis ou O. ponerinarum) aient pénétré leur cuticule, les fourmis infectées se mettent à présenter des comportements étranges (comme l’hyper-toilettage), qui font qu’elles sont repérées par leurs congénères, qui essaient alors de les éloigner de la fourmilière. Le champignon envahit peu à peu les trachées et les muscles de la fourmi infectée, prenant le contrôle de son corps et se nourrissant de ses organes non-vitaux. La fourmi devient littéralement inféodée au pathogène, qui inonde son cerveau de composés chimiques, qui la droguent, et la forcent à rechercher la localisation idéale pour parfaire son déveloprment et produisent un filament qui se développera en mycélium. Les fructifications du champignon sont souvent spectaculaires, tantôt rayonnantes, formant des prolongements, des filaments de diverses épaisseurs, tailles et couleurs, pouvant prendre la forme de cheveux, de mousse, de massue. On peut presque parler « d’art macabre ». Ces ascomycètes sont très virulents et peuvent décimer en peu de temps une colonie entière de fourmis. Différentes espèces d’Ophiocordyceps (environ 600 à travers le monde) se sont adaptées à toutes sortes d’hôtes (environ 400 au total, majoritairement des insectes) : il s’agit d’un phénomène très répandu dans la nature. En général, il y a une spécialisation, une espèce particulière de parasite n’infectant qu’un spectre restreint d’espèces-hôtes.

Au plan physiopathologique, ces parasites enlacent les muscles des insectes et s’y insinuent pour former un réseau27, capable de prendre le contrôle des mouvements de la victime, qui devient alors une sorte de marionnette. Le parallèle avec le zombie haïtien est évident, car l’esclave est zombifié par le sorcier bokor grâce à l’emploi de cocktails particuliers de substances. Ici, de la même façon, le cerveau n’est pas directement envahi par les cellules du champignon, mais ce dernier envoie des substances capables d’agir à distance sur le cerveau de la victime pour l’asservir. Des travaux sont actuellement en cours pour tenter d’utiliser Ophiocordyceps comme insecticide biologique pour réguler les populations d’insectes dans les environnements terrestres28, bien que l’on ne sache pas encore très bien si de tels mycoinsecticides présentent ou non des risques pour la santé humaine. Ces champignons produisent par ailleurs des molécules qui intéressent la recherche biomédicale, telles que la cordicépine, un composé découvert en 1950 chez Cordyceps militaris, molécule que l’on sait aujourd’hui synthétiser artificiellement, et qui pourrait avoir des applications en tant qu’anticancéreux ou antidépresseur. L’espèce C. militaris est la version cultivée de Cordyceps sinensis, un champignon endémique du plateau tibétain (aussi connu sous le nom de yartsa gunbu ou « champignon chenille »), qui s’attaque à des larves de papillons. Pour la petite histoire, ce cordyceps aurait été découvert par des bergers qui auraient constaté que la vigueur, notamment sexuelle, de leur bétail s’améliorait lorsque ce dernier consommait ce champignon, ce qui lui a valu le nom de « viagra tibétain » ou « viagra de l’Himalaya ». Suite à ce constat, les populations locales ont commencé à le récolter massivement et à le faire sécher au soleil en vue de le consommer ou de le vendre comme complément alimentaire ou comme traitement. Aujourd’hui, ce champignon est très prisé en médecine chinoise car on lui prête toutes sortes de vertus : anti-âge, anti-inflammatoire, aphrodisiaque, stimulant des performances athlétiques et cognitives. La conjonction de sa surconsommation et du réchauffement climatique avait mis en péril ce champignon, que l’on sait seulement depuis peu cultiver artificiellement29.

4.3 Les loups de l’abeille

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Guêpe émeraude https://www.pexels.com/fr-fr/photo/nature-feuille-insecte-guepe-17427334
Auteur : Erik Karits Libre d’utilisation Erik Karits via Pexels

Trônant en bonne place aux côtés des champignons, les guêpes sont un autre groupe d’organismes passés maîtres dans l’art de la zombification. On trouve par exemple la guêpe émeraude (ou guêpe bijou) Ampulex compressa, qui dépose ses larves au sein d’une blatte vivante, et qui a servi de source d’inspiration aux terrifiants « éclateurs de poitrine » (chestburster) de la saga Alien. On se souvient de cette scène mythique du film de Ridley Scott sorti en 1979, où l’on aperçoit une créature à l’allure insectoïde sortir du thorax d’un des membres du vaisseau spatial.

Guêpe émeraude immobilisant une blatte américaine
Source : K. Catania43 CC BY-NC-ND

En plus des nombreux cas de zombification naturelle par exploitation du corps de la victime (relevant du registre vaudou), on peut trouver chez les insectes des cas de zombification « expérimentale », fondés sur la mise en place d’un comportement stéréotypé. C’est ce que l’on retrouve par exemple chez la philante apivore (Philanthus triangulum, une guêpe surnommée le « loup de l’abeille »), qu’a étudiée dès les années 1930 celui que l’on considère comme le fondateur de l’éthologie expérimentale, le zoologue néerlandais Nikolaas Tinbergen (crédité d’un Prix Nobel en 1973).

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Guêpe « loup de l’abeille »
Auteur : Maximilian Paradiz CC BY 2.0

Ces philanthes, que l’on trouve en Europe, en Afrique du Nord et dans l’Ouest de l’Asie, sont des guêpes solitaires qualifiées de fouisseuses ou d’excavatrices, du fait qu’elles creusent des galeries dans le sol pour enterrer leurs larves. Bien que ces guêpes soient réputées solitaires, elles ont tendance à creuser des couvains (des nids) à proximité les uns des autres. Comme elles affectionnent particulièrement les sols sableux et escarpés, leur comportement peut produire de spectaculaires parois criblées de cavités (parfois assez profondes, pouvant aller jusqu’à un mètre de longueur), à l’image d’un « gruyère ». Une fois les nids préparés, les guêpes se mettent en chasse de leurs proies, les abeilles domestiques, elles s’en approchent (en général de manière furtive) et profitent que ces dernières soient occupées à se nourrir pour les attaquer. Elles les attrapent alors avec leurs pattes puissantes, qui ne leur laissent aucune chance de s’échapper, avant de leur injecter un venin mortel. La guêpe va d’abord piller le nectar de l’abeille pour recharger ses batteries, avant de s’envoler avec elle dans les airs pour la transporter jusqu’au nid où elles vont s’enfoncer ensemble. Puis la guêpe injecte un œuf unique à l’intérieur du corps de l’abeille, qui se transformera en larve se nourrissant de l’abeille morte, avant de se transformer en pupe d’où émergera une guêpe adulte, le cycle du parasite pouvant alors recommencer.

Comme il se peut que sa larve doive consommer plusieurs abeilles pour se développer, la guêpe adulte doit déboucher et reboucher le nid à chacun de ses visites. Les philantes sont donc contraints de mémoriser précisément l’entrée du nid grâce à certains indices visuels (branches tombées à terre, petits cailloux…). Si l’on déplace, élimine ou remplace ces indications visuelles, les guêpes pondeuses sont incapables de retrouver le nid et se mettent alors à errer désespérément en volant au-dessus du site. Là où les choses prennent une tournure encore plus cauchemardesque, c’est lorsqu’on déplace l’abeille contenant l’œuf. Lorsque la guêpe pondeuse revient, si elle ne trouve pas l’abeille et l’œuf exactement à l’endroit où elle les avait laissés lors de sa précédente visite, elle se met à recommencer indéfiniment tout le processus, à savoir qu’elle inspecte méticuleusement le nid vide, avant de ressortir pour refaire le chemin exact qu’elle avait fait la toute première fois. Ces situations sont fastidieuses, machiniques et absurdes, un peu comme l’existence des zombies, créatures vivantes dénuées de conscience et d’intelligence, condamnées sans le savoir à une éternelle errance à la poursuite de chair fraîche.

Cette utilisation de la figure du zombie comme métaphore de l’individu privé de conscience a donné lieu au concept de « zombie philosophique » (développé notamment par les philosophes David Chalmers et Robert Kirk), c’est-à-dire à la possibilité logique (au plan formel) d’une créature fictive parfaitement semblable à un être conscient mais qui n’aurait pas d’expérience consciente (subjective) d’elle-même et du réel. Les loups de l’abeille et les zombies évoquent par ailleurs le Mythe de Sisyphe, personnage mythologique surtout connu pour son châtiment, consistant à pousser une pierre au sommet d’une montagne, d’où elle finit toujours par retomber, condamnant Sisyphe à recommencer le même manège pour l’éternité. Le Mythe de Sisyphe est également le titre d’un ouvrage majeur de l’écrivain Albert Camus, dans lequel il écrit: « Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. » Ce faisant, Camus indique que ce qui l’intéresse, c’est de définir ce que doit être notre réaction à une vie fondamentalement sans signification. Or la vie des zombies représente un modèle parfait pour ce type d’existence. Non seulement la vie des zombies mais aussi celles des survivants jetés dans un monde post-apocalyptique, très différent du monde qu’ils avaient connu jusqu’alors. Les expériences sur les philanthes que nous venons de décrire donnent à réfléchir sur la condition humaine par l’intermédiaire de la métaphore zombie.

5 Pathologies humaines à traits zombies

Bien que l’existence d’organismes humains zombies n’aient jamais été attestée par la science, nous allons voir que certaines pathologies humaines comptent dans leur symptomatologie certaines des caractéristiques du néozombie. Ce dernier présente en particulier un corps en état de décomposition, avec des plaies sanguinolentes. La putréfaction dont il fait l’objet le rend puant et repoussant. Ce zombie est atteint de tremblement, il est catatonique. En l’absence de stimulation (à savoir un humain passant à proximité), le zombie est muet et décérébré, seul son bulbe rachidien serait encore actif. Lorsqu’un humain entre dans son champ de vision ou qu’un bruit pouvant évoquer une présence humaine l’interpelle, le zombie se mue en créature sauvage, agressive et compulsive. Evidemment, le zombie est contagieux et cannibale, ou plus exactement anthropophage car les zombies ne se dévorent pas entre eux mais se repaissent de chair humaine. Le plus souvent, le zombie est sans mémoire. Plusieurs des attributs que nous venons de lister peuvent être retrouvés dans des maladies affectant l’humain.

5.1 Syndrome de Kluver-Bucy

Ce syndrome (abrégé en « KBS ») a été découvert dans les années 1930 par le psychologue Heinrich Klüver et le neurochirurgien Paul Bucy de l’Université de Chicago. La pathologie est associée à des lésions bilatérales du lobe temporal ainsi que de l’hippocampe et de l’amygdale30. Diverses catégories de symptômes ont été définies, dont la cécité psychique : en dépit d’une acuité visuelle parfaite, les malades ne reconnaissent pas vraiment les formes qui les entourent, un peu à la manière des zombies qui sont sensibles aux sons, aux bruits émis par les humains mais pas aux objets présents dans leur environnement immédiat. Les patients ne parviennent pas non plus à identifier les visages (un peu à la manière des zombies devenus incapables de reconnaître leurs proches)31. Les individus atteints souffrent par ailleurs souvent d’hyperphagie, caractérisée par une surconsommation de viande, ce qui a pu être montré par exemple chez les singes atteints par la maladie, qui en général ne mangent pas de viande et qui se mettent alors à en consommer. L’hyperphagie se double d’une hyper-oralité : les patients développent une tendance à explorer les objets avec leur bouche, ce qui peut dans certaines circonstances leur être fatal. Enfin, les patients font preuve de placidité : on observe chez eux un émoussement émotionnel qui se traduit par une diminution considérable du sentiment de peur, un trait que l’on retrouve chez les zombies, rendus téméraires du fait de leur inconscience. Cette placidité n’empêche pas la survenue d’épisodes violents puisque les patients deviennent agressifs en phase catatonique, réagissant à tout ce qui se trouve à portée de vue (hypermétamorphose), comme les zombies une fois un humain repéré.

5.2 Maladie de von Economo-Cruchet

Cette forme d’encéphalite léthargique a été baptisée d’après le nom des deux neurologues qui l’ont décrite32,33. Il s’agit d’une sorte de « maladie du sommeil européenne », dont des cas avaient été recensés entre 1915 et 1926, au moment de la grippe espagnole, suivis ensuite de cas sporadiques. Son origine est énigmatique, certains experts pensant qu’il s’agirait d’une maladie auto-immune, d’autres la considérant plutôt associée à des grippes. Au niveau symptomatologique, les patients entrent dans un état pseudo-comateux (avec de nombreux bâillements) mais peuvent littéralement « disjoncter » si on les stimule : ils entrent alors dans des états proches de la démence. En temps normal (si l’on peut dire), les patients déambulent à la manière de zombies, en faisant montre de mouvements involontaires, de mouvements oculaires anormaux, tout en poussant de petits cris.

5.3 Maladie du hochement de tête

Cette mystérieuse maladie (portant le nom de nodding disease en anglais) ne semble affecter que les enfants et se traduit par l’impulsion irrésistible de remuer la tête34. Cette pathologie se caractérise par du somnambulisme, de la confusion. Les patients sont désorientés, peuvent connaitre des épisodes épileptiques, et surtout ils n’arrêtent pas de hocher de la tête35. Les patients font par ailleurs état de comportements étranges : ils peuvent mordre, ils grognent, lancent des départs d’incendie et parfois se jettent dans les feux qu’ils ont eux-mêmes allumés (un comportement dit de « pyromanie suicidaire »). Ils peuvent également s’en prendre aux objets autour d’eux pour les casser. L’origine de la pathologie, qui s’est déclarée dans les années 80 en Afrique de l’Ouest, reste inconnue. Elle est concomitante du début de l’épidémie de SIDA, ainsi que de cas d’onchocercose (une maladie causée par un ver parasite, qui rend aveugle). Les spécialistes qui se sont penchés sur cette pathologie ont remarqué que les enfants atteints avaient souvent été victimes d’abandon.

5.4 Ulcère de Buruli

En termes de prévalence, il s’agit de la troisième mycobactériose touchant l’humain, après la lèpre et la tuberculose. L’infection est causée par une bactérie : Mycobacterium ulcerans36. Cette maladie infectieuse nécrosante de la peau et des tissus mous s’accompagne d’ulcères de grandes tailles, survenant surtout aux membres inférieurs et aux bras. Le premier symptôme est un nodule, qui évolue en œdème, avant de s’ulcérer, parfois en profondeur, jusqu’à toucher l’os, rappelant les plaies sanguinolentes touchant les zombies.

6 Substances zombifiantes

La consommation de certaines drogues (d’origine naturelle ou artificielle) peut également provoquer des traits zombies, physiques et/ou comportementaux. Certaines se situent dans le champ des pratiques de coercition (registre vaudou), comme la Datura : cette drogue, répandue dans les cérémonies rituelles, peut également faire l’objet d’une utilisation récréative ou criminelle, où elle alors utilisée pour réprimer la volonté de la victime. D’autres drogues peuvent être assignées à la sphère de la littéralité zombie (registre du mort-vivant), comme les molécules actives présentes dans le pavot (qui perturbent le comportement des wallabies au point de les faire tourner en rond) ou le Krokodil, que nous allons voir plus en détail.

Cette drogue est un dérivé bon marché de l’héroïne, qui auraient les mêmes effets mais pour vingt fois moins cher (avec l’effet zombie en prime). Le nom savant de la drogue est la désomorphine, qui est administrée dans l’une de ses recettes sous la forme d’un mélange d’héroïne, de codéine, d’iode, d’essence, de dissolvant à peinture et de phosphore rouge37. Originaire de Russie en 1932, sa production commerciale aurait été stoppée en raison de ses effets hautement néfastes. La drogue aurait cependant été réintroduite en 2002 avant de se disséminer dans plusieurs pays. Après la découverte de plusieurs cas en Arizona, le magazine américain Time écrivait en 2011 : « Un consommateur régulier de krokodil meurt au bout de deux ou trois ans, et ceux qui surmontent leur addiction en ressortent souvent défigurés. ».

photo
Datura sp.
Auteur : Syrio CC BY-SA 4.0

La Krokodil tire son nom de ses manifestations horribles au niveau cutané : la drogue laisse la peau verdâtre, écailleuse et scintillante à l’endroit de l’injection. En plus de provoquer des blessures très invalidantes au niveau de la peau, la chair peut être touchée de gangrène et se décomposer jusqu’à l’os, ne laissant parfois d’autre choix que l’amputation38. Cette drogue fait littéralement pourrir les personnes qui en consomment, des morceaux de chair (comme par exemple la dernière phalange des doigts) pouvant tomber du corps. Parmi les autres effets dévastateurs, on peut lister des défauts d’élocution, des lésions cérébrales et une mobilité réduite. Les drogués déambuleraient littéralement comme des zombies.

Ces stigmates zombies font écho aux ravages liés aux dommages cérébraux (des suites par exemple d’un accident vasculaire cérébral) ou aux désordres cognitifs, tels que ceux observés dans les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson ou encore dans les formes les plus graves d’autisme. Ces affections soulèvent indéniablement des questions sur l’identité personnelle altérée ou absente : à quel moment un individu peut-il être considéré comme absent de lui-même ? A partir de quel point une personne cesse d’être celle que nous avons connue, aimée ?

Conclusion

Devenu un substantif polysémique du langage courant, le terme de zombie a franchi toutes les échelles du vivant, de l’ADN aux cellules, des cellules aux organes, des individus (les hôtes zombifiés) à leurs communautés (ex : la colonie de fourmis-balles infectées par le champignon Ophiocordyceps) et jusqu’à la noosphère (au sens où l’entendait Teilhard de Chardin de « conscience collective de l’humanité »). Les zombies sont partout car il est possible de les déceler ou de les imaginer partout : dans l’écho d’un son qui se réfléchit sur les parois d’une caverne, dans la voix du perroquet faisant vivre (les propos de) son propriétaire après que ce dernier soit décédé, dans le corps de butō (une danse japonaise constituée en réaction aux traumas de la Seconde Guerre mondiale) et même dans le « faux moi » (le moi-égo dévoyé, par opposition au « vrai moi »). Le « zombisme » (en tant que courant de pensée) fait fi des effets de transition qui séparent les niveaux d’organisation et vient instiller à l’intérieur de chacun d’eux l’une ou l’autre de ces acceptions usuelles : zombies-esclaves manipulés par la magie du vaudou, qui fourniront une métaphore du citoyen moderne aliéné (par le travail, les machines, la technologie, les réseaux sociaux, la société de consommation, le néolibéralisme etc.), zombies contemporains proliférant par contagion, véhiculant nos peurs inconscientes (à l’égard du changement, de la mort, de l’identité et de l’altérité) et figures eschatologiques par excellence (à l’heure de la collapsologie et de l’éco-anxiété). Assimilable à un super-organisme, la masse zombie forme une horde dénuée d’intelligence collective (à la différence des insectes sociaux) : n’y a-t-il pas une leçon à apprendre d’eux pour ce qui est de faire groupe sans faire reliance ? Au final, les zombies peuvent être considérés à la fois comme des entités réelles (peuplant la nature) et des créatures de la pensée, sorte de caméléons hybrides dotés de leur propre mode de reproduction : en cela, ils sont et resteront l’alinéation et la mort faites espèce.

Tableau 1

Exemples de zombification naturelle. HI : hôte intermédiare ; HD : hôte définitif.

HôteParasiteComportement ParasiteComportement HôteMécanisme inféréRéférences
Arthropodes




Fourmis charpentières (Camponotus spp)Champignon Ophiocordyceps unilateralisColonise le corps de son hôte pour être transporté vers un lieu optimal où il se propagera par dispersion des sporesMonte au sommet d’une feuille morte ; blocage des mâchoires et mortSignaux chimiques contrôlant le cerveau et les muscles39
Orthoptères (sauterelles, criquet…)
Champignon Cordyceps Locustiphila (renommé en 2017 Beauveria locustiphila)Colonise le corps de son hôte et l’utilise comme source de nutriments et abri pendant toute sa durée de vie (alternative aux pesticides pour traiter les famines en Amérique du Sud)Se positionne là où les courants de vent sont bénéfiques pour la dispersion des sporesInfluence les processus neurologiques
40
Coccinelle Harmonia axyridisGuêpe dinocampus coccinellaePonte des œufs dans l’abdomen de la coccinelle, les larves dévoreront son corps sans la tuerProtection de la progéniture de la guêpeInjection d’un virus à ARN paralysant ; la réplication du virus dans le tissu nerveux de l’hôte induit une neuropathie sévère et une réponse immunitaire antivirale41
Criquet, grillon Mante religieuse Nemobius SylvestrisVer du crin du cheval (phase larvaire) Telllini spinochordodesGrandit jusqu’à l’âge adulte dans le corps de l’hôteSe suicide par noyade pour permettre au parasite de se reproduire dans l’eauLibère des substances chimiques qui perturbent le sens géotactique de l’hôte42
Blatte, cafard Periplaneta americana ou australasiae ou Nauphtoeta rhombifoliaGuêpe émeraude Ampulex compressaInjecte un venin et pond ses œufs dans l’abdomen de l’insecteParalysie et se fait dévorer de l’intérieur par les larvesInjection d’une toxine paralysante43
Abeille Apis mellifera
Mouche Apocephalus borealisPond ses œufs dans le corps de l’abeilleAbandon de la colonie, tourne en rond, perte d’équilibre, s’échoue au pied d’une source de lumière et meurt quand les larves éclatent dans l’encéphaleAffecte le système nerveux44
Chenille du papillon Pieris brassicae ou Thyrinteina leucoceraeGuêpes Glyptapanteles ou Cotesia glomerataPond ses œufs dans la chenilleImmobilité, ne mange plus, sert de nourriture aux larves et aide à tisser un cocon pour protéger les larves
Sécrétion de molécules paralysantes ; suppression du système immunitaire de la chenille (virus)45
Chenille Neodiprion sertiferBaculovirusSe réplique uniquement dans les cellules de l’intestin
Inaction, change de couleur, arrête de se nourrir ; avant de mourir monte sur une feuille en hauteur, ne peut plus descendre, tombe, laissant le parasite sur la feuilleLutte contre l’infection des pins par les chenilles46
Cicadelle des céréales Oulema melanopusGuêpe Tetrasticus julisFait un trou et pond ses œufs dans la larveSert de nourriture pour le développement des larves puis mort au moment de leur émergence
47
Drosophile Drosophila melanogaster, moustique Culex pipiensBactéries Wolbacchia Buchnera, Rickettsia, CardiniumChange le comportement trophique de l’hôte et interfère avec les voies de reproduction
Incompatibilité cytoplasmique48
Cigale MagicicadaChampignon Massospora cicadinaConsomme l’abdomen et les organes génitaux
Augmentation de la reproduction ; propagation du champignon par dispersion des spores (« salières volantes de la mort »)Composés psychoactifs49
Araignées Plesiometa argyra, Anelosimus eximius ou Leucauge argyraGuêpe Zatypota ou Hymenoepimecis argyraphagaPiqure, paralysie temporaire, ponte des œufs dans l’abdomen de l’araignéeS’éloigne du nid pour construire un cocon avant de mourir mangée par les larvesInjection d’un arsenal de toxines et de produits chimiques psychotropes50
Crabe enragé carcinus maenasBarnacle Sacculina carciniLa femelle fait son nid à l’intérieur du crabe pour s’accoupler et stérilise son hôteSe fait lentement dévorer grâce à un réseau de filaments établi par le parasiteLésions du système nerveux, féminisation, émission d’une substance toxique51
Vertébrés




Rat (HI)
Rat, chat, humain (HD)
Parasite Toxoplasma gondiiAssure sa survie de parasite des chats en infectant des rats car se reproduit seulement dans l’intestin des chatsAttirance pour l’odeur des chats en bloquant leur aversion innée pour l’urine féline (contenant des phéromones)Altération de la partie du cerveau responsable de l’attraction sexuelle52
Isopodes : punaise, cloporte Armadillidium vulgare (HI)
Oiseaux : étourneaux Sturnus vulgaris (HD)
Ver acanthocéphale Plagiorhynchus cylindraceusSe développe à l’intérieur du corps de l’insecte et opère une modification de son comportementS’expose pour se rendre disponible comme repas pour les oiseaux ; transport du parasite dans le tractus intestinal d’étourneaux où il atteindra sa maturitéContrôle le cerveau ; devient une proie facile pour les oiseaux prédateurs ; affecte le potentiel reproducteur de la femelle infectée53
Escargot : Succinea sp (HI)
Oiseaux (HD)
Ver plat Leucochloridium paradoxumAbsorbe les nutriments du corps de l’escargot et s’introduit dans les pédoncules oculaires pour les modifierSe rend vulnérable aux oiseaux qui l’ingèrent, ce qui permet au parasite de se reproduireMécanisme chimique54
Fourmi Cephalotes atratus (HI)
Pivert (HD)
Nématode Myrmeconema NeotropicumLes femelles fécondées logent dans l’abdomen et transforment la fourmi en repas pour les oiseauxL’abdomen devient orange et surélevé, ressemblant à une baie mûre ; léthargie et déplacement dans des zones non protégéesMécanisme chimique55
Grenouille aboricole Hyla japonicaChampignon Batrachochytrium dendrobatidisModifie le chant pour augmenter l’attractivitéAugmente l’accouplement des grenouilles pour favoriser sa propagationChytridiomycose56
Escargot, fourmi (HI)
Animaux de pâturage (HD)
Ver plat: Lancette douve du foie Dicrocoelium dendriticumProspère dans le foie des animaux de pâturage où elle s’accouple. Les œufs retrouvés dans le fumier sont consommés par les escargots ; éclosion des douves dans la fourmi et colonisation du cerveauEclosion des œufs dans le tube digestif de l’escargot qui expulse les larves entourées de mucus ; les fourmis les consomment et se perchent sur des brins d’herbe en attendant d’être consomméesFixation des cercaires sur le système nerveux des fourmis et prise de contrôle des mandibules et du cerveau57
Raton laveur, moufette, renard, coyote, chauve-souris, chien, chat, humainVirus : rageTransmission par morsure d’un animal infecté ; propagation par la saliveDélire, paralysie partielle, convulsion, spasmes, hypersalivation, agressivité ; peut conduire à la mortGonflement du cerveau et de la moelle épinière58
Mouche tsétsé (HI)
Mammifères : bovin, mouton, éléphant, cerf, primate, humain (HD)
Trypanosome, genre TrypanosomaPiqure de la mouche qui transmet des parasitesApathie, fièvre, douleurs musculaires, détérioration mentale, changement de comportement, problèmes d’équilibre, de locution, de concentration, irritabilité, troubles du sommeil, de l’alimentation, coma, mortMaladie du sommeil : envahissement du cerveau par le parasite59
Cerf, élan, orignalPrion (protéine)
Perte de poids, d’équilibre, apathie, salivationMaladie neurodégénérative60
VachePrion
Modifications du comportement (nervosité, anxiété, agressivité) et troubles locomoteurs (tremblements) ; mortMaladie vache folle : encéphalopathie spongiforme bovine61
Humain, tribu des Fore (peuple)PrionConsommation des cerveaux des proches infectésDétérioration rapide des fonctions cognitives et perte de coordinationMaladie Kuru ; désordres du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs
62
Etourneau, merle, grive, écureuil, élan, éléphant, babouin, singeBaies, fruits mûrs (sorbier, sureau, aubépine, prunellier, argousier , Marula en Afrique, Madhuca en Inde)
Diminution des réflexes, perte d’équilibre, endormissement, ralentissement de l’influx nerveuxFermentation de fruits pourris et production d’alcool63
Eléphant
Racines d’Iboga (Gabon)
Comportement anormal, trouble de la locomotion
Drogue psychostimulante et hallucinogène64

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Photo d’en-tête : Zombie – auteur : Hanane Hadj-Moussa